Ses bottes lui coûtent huit jours d'arrêt de travail

Extrait d'un article paru dans le Progrès de Lyon du 13 mai 2009

Un produit, qui sert à éviter l'humidité, interdit depuis fin 2008, a été retrouvé dans des chaussures provenant de Chine. Des précédants avaient été signalés


Les bottes sont posées sur la table. Les petits sachets blancs et verts aussi. Cynthia Schmitt les regarde. Anxieuse. Ose à peine les toucher. Le 18 avril dernier, cette habitante de Dolomieu (Isère) de 24 ans achète une paire de chaussures de la marque « Chiara » au Vétimarché de Passins. De jolies bottes en daim, soldées. Elle les porte deux, trois fois, quelques heures, pour aller faire une course ou rendre visite à sa grand-mère. Jeudi dernier, elle décide de les mettre pour aller travailler. « Toute la journée, j'ai senti une gêne, des démangeaisons, je ne comprenais pas. » Quand elle rentre chez elle, vers 17 heures, elle enlève enfin les bottes. Et découvre horrifiée des brûlures, des cloques et des gonflements sur ses pieds. « C'était impressionnant ! » raconte-t-elle. Immédiatement, sa mère Catherine l'emmène chez un médecin généraliste. « Au départ, il a dit que c'était un eczéma de contact. Il m'a demandé si j'avais été en contact avec de la chaux ou du ciment, vous imaginez… » Le médecin lui prescrit un traitement. Mais la douleur persiste. Sur Internet, la Dolomoise finit par trouver des articles qui évoquent des bottes chinoises « toxiques » à l'image des canapés de Conforama qui avaient défrayé la chronique l'été dernier et pour lesquels des suites judiciaires sont en cours. Son père, John, se précipite alors sur les chaussures. Et découvre, d'abord qu'elles ont été fabriquées en Chine. Ensuite qu'elles contiennent chacune deux petits sachets verts et blancs collés au fond. Lundi, Cynthia Schmitt se rend chez une dermatologue de Sainte-Foy-lès-Lyon. « Là, elle nous a confirmé que c'était dû au Dimethyl Fumarate. » Un produit qui sert à éviter l'humidité, et qui est interdit en France depuis décembre 2008. « La dermatologue avait déjà eu affaire à un cas comme ça pour un canapé. Elle a un peu modifié le traitement et nous a dit que d'après des colloques auxquels elle a assisté, ce produit ne provoque pas de séquelles. » En dépit de ces paroles rassurantes, la famille contacte la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à Grenoble. Puis le centre antipoison de Lyon. Le cas est signalé. La procédure lancée. Des tests doivent être effectués. Cynthia, elle, écope d'une incapacité de travail d'une semaine. Qui pourrait être prolongée. « Ça commence à aller mieux, mais je ne peux toujours pas porter de chaussures ni conduire. J'ai encore des démangeaisons et, sous les pieds, ma peau est dure, j'ai l'impression d'avoir des pieds d'éléphants ou de crocodiles. » La jeune femme et ses parents restent inquiets : « On ne sait pas ce que peut provoquer ce genre de produits chimiques », soulève Catherine Schmitt. « On veut surtout éviter que ça arrive à quelqu'un d'autre. » Aujourd'hui, la famille souhaite trouver un collectif de victimes des « bottes chinoises ». Et envisage de porter plainte devant la justice.

Le magasin prêt à payer

L'inquiétude est toujours grande pour les personnes concernées par ce type d'affaires. Le centre antipoison de Lyon confirme pourtant qu'il « n'y aura pas de séquelles. C'est une substance qui provoque brûlures et allergies, mais qui n'a pas de conséquences à plus long terme. » Alors comment ce produit, interdit en France depuis fin 2008, s'est-il retrouvé là ? Gérard Nectoux, directeur de Vétimarché à Passins, indique que « ces bottes proviennent d'un fournisseur situé en région parisienne. J'en ai vendu plusieurs, et cette cliente est la seule à s'être plainte d'allergies. » Selon le directeur, les contrôles des produits sont faits par les douanes. « Ensuite, on ne sait pas par combien de mains ils passent avant d'arriver chez nous. » Il est prêt malgré tout à « régler l'affaire » et précise avoir déjà contacté son assurance pour dédommager la cliente.

> Diméthyl fumarate.

Il s'agit d'un produit anti-moisissure que l'on trouve dans des petits sachets. Cette substance a été interdite par l'Union européenne et par la France fin 2008

 

> Des précédents.

En 2008, au moins 134 cas d'allergies cutanées dus à cette substance, ont été suspectés en France, dont 28 confirmés. En été, cela concernait notamment des canapés Conforama. Puis des bottes de diverses enseignes ont été mises en cause en novembre et décembre. Aujourd'hui, « c'est quasiment fini, les cas sont devenus très rares », conclut le centre.

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